LES PRESIDENTS

GEORGES LIBERT...suite 2
par J. NOETINGER


     Chef pilote, secondé par Demazière et Belcroix, il enrage d'avoir à muter l'hélice d'un appareil réceptionné sur le suivant à tester faute de livraisons suffisantes d'hélices, conséquence de sabotage dans l'industrie par une catégorie d'ouvriers.
De surcroît, les "Bloch" n'étaient pas équipés de leur armement !
     Libert intervient personnellement auprès de Marcel Dassault, exige et obtient que trois avions soient opérationnels pour être en mesure d'intervenir en cas d'attaque du terrain par la Luftwaffe.
De fait, le 10 mai 1940, 15 bimoteurs Heinkel 111 se dirigent sur Déols. Branle-bas de combat, les trois Bloch 152 décollent et foncent vers l'armada. Libert descend un heinkel 111 !

     L'Armistice est signé au moment où Libert est muté à Bordeaux pour réceptionner les bimoteurs "Bloch 175" qui, de zone libre des équipages militaires doivent convoyer... non sans risques, en Afrique du Nord.
     Mais la Luftwaffe veille. Un officier allemand intervient, assure les pilotes réceptionnaires que leur statut n'est pas modifié mais que les "Bloch 175" seront destinés aux forces du Grand Reich, ce qui n'est pas du goût des trois compères qui s'évanouissent dans la nature à bord d'une voiture de service.

     Libert en profite pour rejoindre sa femme et ses enfants à Vichy. Or il y retrouve Didier Daurat qui a obtenu des autorités allemandes de créer le S.C.L.A.M. (Section Civile de Liaisons Aériennes Métropolitaine) disposant de six "Goéland" et deux "Simoun". Georges Libert est nommé chef pilote... une excellente couverture pour l'engagement clandestin qu'il a signé le 1er octobre 1941 avec les Forces Françaises Libres (Réseau Ronsard Troène) et qui en fera un agent du B.C.R.A.(Bureau Central Renseignement Action).
     On le prévient mystérieusement un soir qu'il va être arrêté. Il s'éclipse en direction de Lyon, change chaque jour de "planque", tout en continuant son travail pour le BCRA grâce à diverses filières. Les risques augmentant, il est récupéré de nuit par un avion piloté par Hugues Vérity le 27 juillet 1949.

     En Grande-Bretagne, il sera affecté aux missions spéciales. Les aventures ne manquent pas pour lui et pour son grand ami Bernard Cordier (futur CDB à Air France... puis moine à Citeaux) car ils se partagent des missions de nuit au profit d'agents spéciaux à prendre ou à déposer en zones ennemies grâce aux "Lysander". Libert s'acquittera de huit de ces missions à grands risques jusqu'à la fin du conflit.
Démobilisé en 1945, il rentre à Air France.

     Quand il termine sa carrière de pilote de ligne, Libert n'est pas homme à se prélasser dans son statut de retraité. Son dévouement, sa générosité sans borne mais discret, son idéal aussi, le poussent à des engagements tous azimuts. Il obtient sa licence de moniteur qu'il exercera à l'aéro-club de Dreux (non loin de sa gentilhommière de Rouvres) dont il sera longtemps président.

     On le sait consciencieux à l'extrême, toujours de bon conseil, intègre et respecté unanimement, il est donc logique qu'il soit vice-président de "l'Aéro-club de France" pendant sept ans, vice-président pour la France de la F.A.I. pendant trois ans, membre du conseil d'administration des "Ailes Brisées" et surtout Président des " Vieilles Tiges" où, avec sa femme Marie-Anne, il se donne avec enthousiasme de 1982 à 1991.
Propriétaire d'un Robin "Sicile" il conservera sa licence de pilote jusqu'à 1996, à 87 ans et 25 300 heures de vol.

     Jamais il n'a sollicité les honneurs, il était trop modeste et eut été incapable de vanter ses mérites. Par contre, on les lui reconnaissait ce qui lui valut d'innombrables distinctions dont : la Médaille coloniale (1933), Médaille de la Résistance (1944), Croix de Guerre avec palme (1945), Médaille de l'Aéronautique (1960), Commandeur de l'Ordre National du Mérite (1982), Commandeur de la Légion d'Honneur (1991)... etc, sans compter les médailles d'or de l'Aéro-club de France, de la FNA, des "Vieilles Tiges", des "Vieilles Racines"...
     En 1986, il avait été nommé Membre d'honneur de l'Académie Nationale de l'Air et de l'Espace et avait participé le 27 novembre 1993, à un tour d'Europe en Airbus 340, à l'occasion du dixième anniversaire de cette confrérie.

     On peut s'étonner qu'avec une belle carrière, si longue, si ponctuée de succès, le nom de Libert n'ait pas eu l'aura d'un Mermoz, d'un Costes, d'un Doret, d'un Guynemer...
Sa devise... aurait pu être : "Pour les autres et non pour moi".
     En effet, il a toujours privilégié l'esprit d'équipe, ignoré l'orgueil comme tout battage médiatique, soucieux de donner l'exemple de la rigueur, de la conscience professionnelle, de l'honneur et du culte de l'amitié.

     Sa disparition affecte profondément tous ceux qui l'ont connu et les associent au grand chagrin de celle qui l'a soutenu sans relâche dans ses activités comme dans sa dernière épreuve.

J. NOETINGER
de l'Académie Nationale de l'Air et de l'Espace


Autres récits >>> Georges LIBERT    par Henri Eisenbei
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Dernière mise à jour 09-2006