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                   Nombreux
            sont les aviateurs connus dans larmée de lAir
            par un surnom, souvent taquin mais le plus souvent affectueux,
            choisi par leurs camarades. Cet effort dimagination na
            pas été nécessaire pour Amédée
            PASSEMARD, universellement connu par son simple prénom,
            dautant plus original quon le croit féminin. 
                  "Amédée"
            naît en Auvergne, en 1920, au sein dune famille de
            paysans et, selon la tradition de lépoque, son destin
            est déjà tracé : il sera curé, gendarme
            ou instituteur, comme son frère. Cest léchelle
            sociale de lépoque. 
                  Mais un ami de sa famille,
            qui fréquente laéro-club de Brioude, le met
            en contact avec laviation. Cest une révélation
            et, en dépit du manque denthousiasme de ses parents,
            le voici inscrit à lAviation populaire, à
            seize ans à peine. Ce sont bientôt les premiers
            vols, sur Caudron "Luciole" et Morane-Saulnier MS-80
            "Parasol" à moteur rotatif. 
             
              
 
 
            
             
 
 
            Le jeune Amédée PASSEMARD (19 ans à peine)
            en école de chasse devant un Morane-Saulnier 225 
 
 
 
 
 
            
                  En
            1937, Amédée PASSEMARD passe son brevet civil premier
            degré et, lopportunité se présentant,
            il est admis comme "boursier de pilotage" avec pour
            perspective de devenir pilote de réserve. Mais, sous la
            pression des événements politiques, larmée
            de lAir recrute et il sengage.  
                  Le voici en mai 1938 à
            lécole Caudron dAmbérieu car, comme
            dans de nombreux domaines aujourdhui, larmée
            de lAir "externalise" déjà la formation
            initiale de ses pilotes. Il y a là quand même un
            capitaine, un adjudant-chef et deux ou trois autres sous-officiers
            chargés de donner un embryon de formation militaire aux
            élèves. 
 
                  On accomplit une centaine
            dheures, dabord sur Caudron "Luciole" ou
            C-491, puis sur Potez 25 ou Caudron "Luciole". "Amédée"
            senorgueillit bientôt du brevet militaire n°
            26362. 
                  Nommé sergent, il
            devrait alors être affecté en escadrille mais, à
            la fin doctobre, 1938, Amédée PASSEMARD est
            envoyé à Istres, à lécole des
            sous-officiers pilotes. Cest en quelque sorte une école
            de perfectionnement où il aborde la voltige sur Morane
            230 et accumule les heures de vol sur Potez 25 et LéO
            20, "un énorme cerf-volant, atteignant 150 km/h
            à tout casser, peu maniable, dont il fallait négocier
            les virages avec préméditation, tant il était
            lourd aux ailerons". 
 
                   En fin de stage, sélection
            : chasse, bombardement, reconnaissance, observation? Pour "Amédée"
            cest la chasse, et lentraînement correspondant
            sur Morane 230 et Caudron "Simoun". 
                  Fort de ses 200 heures de
            vol, il est un peu étonné dentendre : "On
            va vous apprendre à piloter !". Cest la découverte
            dun pilotage plus précis avec la bille et laiguille,
            la voltige méthodique, les prises de terrain en S, les
            atterrissages de précision
 Et la découverte
            enivrante du premier monoplace de chasse, le Morane 225 rendu
            célèbre par la participation dans les meetings
            de la patrouille Weiser de lescadre de Dijon. Et la progression
            se poursuit avec les Dewoitine 500, 501, 510
 
             À
            Luxeuil, à lautomne 1939, décollage dune
            patrouille de Morane-Saulnier 406
             
                  Vient ensuite la première
            affectation en escadrille, à Dijon justement, au groupe
            de Chasse 2/7, 3e escadrille (SPA 73), équipée
            de Morane 406 mais qui dispose aussi de lun des rares Caudron
            690 dentraînement. 
                  Un bon souvenir
 Amédée
            PASSEMARD est alors le plus jeune pilote de chasse de France. 
 
                  Septembre 1939: la déclaration
            de guerre et le groupe 2/7 quitte Dijon-Longvic pour Luxeuil,
            sa base opérationnelle. Les choses commencent mal : au
            départ, "Amédée" a des problèmes
            de mise en route puis au décollage, lhélice
            reste bloquée au petit pas. Il arrive donc en retard à
            Luxeuil, où le terrain nest pas balisé. Des
            phares de voiture feront laffaire, avec un peu démotion
            quand même. Tout se passe bien jusquau moment où
            on lui apprend quil est, le soir même, de garde dans
            le hangar pour la nuit avec un ballot de paille pour seule literie
            ! 
                  Sa première mission
            de guerre a lieu dès le 20 septembre. Il y en aura une
            soixantaine dautres jusquà lArmistice,
            avec de nombreux combats au cours desquels "Amédée"
            remporte sept victoires en participation  un Henschel 126
            dobservation, un Junkers 88, deux Dornier 217, trois Heinkel
            111  dont quatre homologuées. Une erreur dhomologation
            le prive de la cinquième qui aurait fait de lui un "As
            de guerre". 
             
             
             
            Le
            sergent PASSEMARD avec un trophée prélevé
            sur lépave de lune de ses victimes
              
              
             
             
             
                  "Nous arrivions au
            combat sans avoir jamais tiré et avec un entraînement
            notoirement insuffisant. Par surcroît, nos méthodes
            étaient très mauvaises. 
                  Nous volions par patrouilles
            de trois, les équipiers "vagabondant" autour
            du leader en protection. Comme ils consommaient plus que lui,
            leur participation à un éventuel combat était
            plus limitée. Lorsque nous volions en patrouille triple
             neuf avions  imaginez la pagaille que cela donnait.
 
                  Au début de la campagne,
            sur le 406, les mitrailleuses gelaient et nous étions
            obligés de tirer de courtes rafales pour les réchauffer.
            Résultat : au combat, nous manquions de munitions. Heureusement,
            nous avons été parmi les premiers à toucher
            des Dewoitine 520. Une très bonne machine, que lon
            pilotait au manche dans une pièce de cent sous et sur
            laquelle jai fait mon premier vol le 1er mai 1940 et ma première mission le 23
            mai". 
             
                  Satisfaction de courte durée
            car létape suivante cest, à partir
            du 17 juin 1940, le repli sur Saint-Laurent-de-la-Salanque, terrain
            de Perpignan. 
                  "Le général
            dHARCOURT, inspecteur de la Chasse, nous rend visite et
            procède à une remise de décorations. Il
            nous annonce notre prochain départ pour lAlgérie
            et nous remet 1 000 francs à chacun, en viatique provisionnel". 
                  La consigne est de convoyer
            les avions en sécurité, de lautre côté
            de la Méditerranée : "Au combat, nous nutilisions
            que le réservoir de fuselage, 
            insuffisant pour la traversée. Faute de mécanos,
            ce sont les pilotes qui sont obligés, comme ils peuvent,
            de raccorder les réservoirs dailes. Nous devons
            gagner Alger Maison-Blanche derrière un Glenn-Martin assurant
            la navigation car nous navons ni cartes, ni radio ! Trente
            avions en formation
" 
             
                  La traversée se fait
            sans encombre : les branchements de réservoirs ont été
            bien exécutés. La côte étant en vue,
            le Glenn met cap à lest.  
                  Une ville blanche ! Alger
            ? Pas daérodrome ! Il repart vers louest,
            oubliant que les Dewoitine sont à court de carburant.
            "En vue, un champ de course, pas très long, 1
            200 m pas plus. Le leader fait signe de se poser et tout se passe
            bien. Nous sommes à Bône ! "Le lendemain,
            des camions apportent des touques dessence et des pompes
            Japy. Et le 22 juin, nous partons pour Souk-et-Arba, Oudna,
            Tunis El Aouina et finalement Bizerte Sidi-Ahmed le 17 août
            1940". 
              
            En Dewoitine 520, dans le ciel de Tunisie (été
            1940) la Tunisie.
             
                  Au moment de lattaque
            de Mers-el-Kébir, le groupe de Chasse 2/7 se trouve toujours
            à Bizerte, où les familles ont été
            "mutées" pour dissuader les pilotes de senvoler
            vers Malte comme certains lenvisagent. Les mois passent
            dans linactivité presque totale. Survient le débarquement
            allié, le 8 novembre 1942, et cest le repli vers
            Kairouan, puis Sidi-bel-Abbes, puis Bou-Saada où, le contexte
            politique se clarifiant, des "Spitfire" remplacent
            les Dewoitine. 
 
                  Amédée PASSEMARD
            participe à la libération de Tunis puis se trouve 
            astreint à de longues missions de "coastal command"
            avant de rejoindre comme moniteur lécole de Chasse
            de Meknès, où il est nommé sous-lieutenant. 
                  Intermède de courte
            durée car on demande des volontaires pour rejoindre le
            groupe "Île de France". Sa demande étant
            accepté, à partir doctobre 1944, sur "Spit
            XVI", il fait de lappui-sol et du bombardement en
            piqué. "Il était très impressionnant
            de plonger au milieu des gerbes de traçantes grimpant
            à notre rencontre". 
                  La paix revenue "Amédée"
            se retrouve à Friedschaffen, puis il est affecté
            au groupe 1/2 qui se prépare à partir pour lIndochine.
 
                  Ce nest pas lenthousiasme
            : "Nous étions quelques-uns à montrer quelques
            réticences, considérant que nous avions fait notre
            boulot pendant quatre ans et que, maintenant, place aux jeunes
            !" Message bien perçu et cest le premier
            contact avec le Centre dEssais en Vol à la fin de
            1945. Mission : traverser la Méditerranée avec
            deux Stampe, pour aller faire des essais de filtres à
            air par temps chaud.  
                  "Pour gagner lAfrique,
            via la Corse, un réservoir supplémentaire avait
            été installé sur le siège avant et
            nous disposions dune pompe Japy  à main 
            pour remplir le réservoir situé au centre de laile
            haute. Arrivés au Maroc, nos moyens dessais étaient
            assez empiriques. Nous décollions lun derrière
            lautre, sur des champs de blé fraîchement
            moissonnés, afin de faire de la poussière !". 
                  Changement de décor
            en 1946 lorsquAmédée PASSEMARD est affecté
            à létat-major de la Défense Aérienne
            du Territoire en AFN. Il y assure trois fonctions : adjoint au
            chef du 3e bureau, chef des transmissions
            ; commandant 
            lescadrille dentraînement dotée de Bell
            "Airacobra", de P-47 "Thunderbolt" et de
            Nord 1101. 
             Au
            groupe de chasse "Alsace", sur "Spitfire"
            Mk XVI
             
                  LIndochine redevient
            dactualité à la fin de 1949 lorsque, affecté
            au groupe 3/6 "Roussillon", il y part comme commandant
            de la 1re escadrille, voler sur P-63 "Kingcobra"
            puis sur Grumman "Bearcat". "Une sacrée
            machine ! Un pilote normal était déjà en
            lair avant que les 3/4 de la puissance soient atteints
            !" 
                  En 1952, Amédée
            PASSEMARD retrouve Luxeuil où la 11e
            escadre est en formation sur Republic F-84G "Thunderjet".
            Il y demeure jusquen 1955, alors quil est commandant
            du groupe 1/11. Le poste suivant est moins excitant : le Groupement
            de Contrôle Tactique Aérien de Friedschaffen, autrement
            dit, une station radar. Une affectation qui dure quatre longues
            années, dont deux ans comme commandant de la base radar. 
 
                  La mutation suivante est
            beaucoup plus passionnante, le Centre de Tir et de Bombardement
            de Cazaux. "Jy avais en quelque sorte un "droit
            de cuissage" car, en tant que "patron" du centre,
            javais le droit de voler sur tous les avions en campagne
            de tir, même les étrangers ! Je noublierai
            jamais la tête dun squadron leader de la RAF lorsque
            laccueillant, je lui dis : demain en début de matinée,
            je vole sur lun de vos "Hunter". Il était
            tellement ébahi que je lai persuadé de téléphoner
            à son état-major qui lui a confirmé cette
            privauté. Et jai volé en "Hunter",
            un bien bel avion dailleurs". 
             En
            Indochine, sur Grumman "Bearcat". "Une sacré
            machine" !
             
                  Mais, en 1960, en Algérie,
            les combats sintensifient et larmée de lAir
            constitue des escadrilles dappui aérien équipées
            davions légers dattaque, SIPA et autres T-6
            et T-28. Amédée PASSEMARD prend pour trois ans
            la tête de laviation légère dOranie,
            au sein du GATAC. 
                  1963 : le colonel PASSEMARD
            est nommé commandant de la base aérienne de Bangui,
            où il assume simultanément trois fonctions : commandant
            de base ; conseiller militaire auprès de lambassadeur
            de France ; chef de la mission militaire. Fonction dans laquelle
            il rencontre fréquemment un jeune commandant qui fera
            beaucoup parler de lui quelques années plus tard, Jean-Bedel
            BOKASSA. 
                  Une nouvelle page se tourne
            en 1965 lorsquAmédée PASSEMARD est nommé
            au commandement de la base dIstres.  
                  Il y reste trois ans puis
            intègre létat-major de la FATAC où
            il prend en charge la sécurité militaire. 
                  Promu enfin colonel, il estime
            avoir peu de chance de passer Général et, en 
            1969, décide de quitter larmée. 
 
                  Amédée PASSEMARD
            commence alors sa reconversion dans la vie civile par un stage
            de formation prodigué par la chambre de commerce de Paris.
            Il entre dans lindustrie chez un fournisseur des constructeurs
            aéronautiques puis il est recruté par le syndicat
            national des Organismes de Fabricants dEngrenages et de
            Transmissions qui lui propose un poste à Bruxelles, au
            niveau international. 
              
              
              
              
              
            Le
            commandant Amédée PASSEMARD (vers 1960)
             
             
              
              
              
              
                  Le
            destin frappe une nouvelle fois au début de 1971 en la
            personne dun ami de longue date, lingénieur
            général ARNAUD qui, de façon tout à
            fait impromptue, lui propose un poste de responsabilité
            au CEV : "On a parlé de toi à la direction
            de lArmement pour prendre la responsabilité de lannexe
            des Mureaux du CEV.       Tout
            le monde est daccord et
 tu pourras voler !".
            Formule magique qui entraîne un choix immédiat.
            Cest ensuite Melun-Villaroche en 1972, jusquen 1982,
            comme "patron" de lannexe du CEV. "Jétais
            à la tête de 500 personnes et cétait
            lune des plus riches périodes de lindustrie
            française du point de vue prototypes". 
             
                  Laventure se termine
            le 31 octobre 1982 par un vol en solo à bord dun
            Nord 1100, que les spectateurs nont sans doute pas oublié.
            Dix jours plus tard, le professeur CABROL effectue un quadruple
            pontage, parfaitement réussi si lon en juge aujourdhui
            par la vitalité, la verve et la mémoire du personnage. 
                  Parmi la centaine de types
            davions quil a pilotés, Amédée
            PASSEMARD garde une affection particulière pour le "Dewoitine
            520", le "Spit" et le "Bearcat", sagissant
            des avions à hélice et pour le "Mystère
            IV", le "F-100" et le "Mirage III" pour
            ce qui concerne les réacteurs. 
 
                  À plus de 91 ans,
            le colonel Amédée PASSEMARD est lune des
            grandes figures que notre association peut se flatter de compter
            dans ses rangs et nous sommes heureux de lui rendre aujourdhui
            ce légitime hommage. 
             
            Roland
            de Narbonne 
            
            PALMARÈS
            et DÉCORATIONS 
            5 000 heures de vol 
            650 missions de guerre en 1 200 heures 
            Commandeur de la Légion dHonneur 
            Croix de Guerre 3 /45 
            Croix de Guerre TOE 
            Croix de Guerre Vietnam 
            11 citations et un témoignage de satisfaction 
            Médaille de l'Aéronautique 
 
            Luxueil
            1952 : à la 11e escadre, sur Republic F-84G "Thunderjet" 
             
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