Depuis le 6 février 1945, la 145ème
          Wing dont fait partie le Squadron 329 « Cigognes »
          a fait mouvement vers un terrain de campagne près de Schindel,
          une petite ville située dans une région assez marécageuse,
          à l'est de S'Hertogenbosh aux Pays-Bas. 
          
      Nous
          avons quitté notre base précédente (Anvers
          Deurne) soumise aux tirs permanents des V 1 et V 2. Une bonne
          partie des missions est consacrée depuis lors à
          des vols dits d'interdiction dont l'objectif est justement d'empêcher
          l'acheminement, à partir de l'Allemagne vers Almelo, Zwolle,
          Deventer, de ces fameuses armes de représailles.
                Ces missions
          de harcèlement consistent à bombarder en piqué
          les voies de chemin de fer et gares de triage, en particulier
          à Nijverdal où la flak est assez mordante alors
          que l'activité aérienne adverse est quasi inexistante
          depuis le grand "show" allemand du 1er janvier 1945.
                   Raphaël
          Lombaert dans le "5A-L
          
                Elles sont conduites en dispositifs
          légers de quatre avions au maximum ce qui permet de maintenir
          une permanence des attaques pendant toute la durée du
          jour.
                Ce 28 février
          1945, j'étrenne en mission de guerre mon nouveau 5A-L
          (L for Love), le Spitfire XVI TB 388 "clipped wing"
          que je suis allé chercher l'avant veille à Grimbergen
          près de Bruxelles. En fait c'est le 7ème 5A-L depuis
          le débarquement en Normandie et le 5ème depuis
          le 3 décembre 1944 ; la flak a souvent fait des dégâts,
          mais par chance l'avion a toujours ramené son pilote au
          bercail.
          
          
 Spitfire Mk IX "clipped
          wing"
                La mission
          est de routine. Bombardement en piqué du chemin de fer
          entre Zwolle et Almelo, le temps est assez beau avec des paquets
          de stratocumulus culminant vers 5 000 pieds, l'approche de l'objectif
          peut donc se faire relativement à l'abri des nuages et
          de ce fait la réaction du sol est assez faible, contrairement
          à l'habitude.
                Mon coéquipier "Yellow
          four" est mon bon camarade Christian. Il est de quelques
          années mon aîné, a participé à
          la campagne de
          France en 40 avant de connaître de longs mois de prison
          en Espagne et de rejoindre le groupe "Cigognes" en
          1943.
                Nous prenons
          le chemin du retour à l'altitude de 6 000 pieds avec un
          bon "badin" à 250 mph, car aux dire de notre
          "Intelligence Officer" ces paramètres doivent
          nous mettre à l'abri de la flak de moyen calibre. Christian
          est à ma droite, à distance raisonnable, pratiquement
          en "line abreast".
                Aux
          approches du Rhin, alors que nous devons survoler les environs
          d'Arnhem, des tirs assez denses nous accueillent. Yellow four
          m'appelle : "Freehold Yellow Three Wave", le vieux
          routier n'a pas tellement confiance dans les affirmations des
          augures au sol.
                L'intensité des tirs
          devient inquiétante et les éclatements sont pratiquement
          à notre altitude, si inquiétante que j'amorce une
          évasive à gauche ; que ne l'ai je pas fait une
          seconde avant... 
          car si je vois deux éclatements très proches sur
          l'avant droit de l'avion, je perçois simultanément
          ou presque un claquement très sec provoqué par
          un obus qui a traversé l'habitacle de bas en haut au ras
          de mon genoux droit, pour ressortir à peu près
          au niveau de la verrière, après avoir enroulé
          et arraché un bon bout de tôle (était ce
          un obus inerte?) et un bruit plus sourd, avec une forte secousse,
          beaucoup plus inquiétant d'autant que l'extrados de l'aile
          droite, à l'aplomb du radiateur, présente un trou
          large comme deux mains.
                Le moteur tourne toujours
          mais dans les secondes qui suivent la température du "coolant"
          arrive au maximum du cadran. Conformément au manuel, je
          pousse la manette d'hélice sur plein grand pas et coupe
          les contacts.
          