Il est chouette le ciel de ma Provence, lorsqu’ en montée initiale, il peint le pare-brise en bleu, avec le fantôme de l’hélice entre nous.
Il est d’autant plus chouette qu’en place droite, il y a un copain, pilote lui-même ou non, ou un « morpion de carlingue » qui découvre l’aviation de loisir, la « petite » aviation…
Vous m’avez vu venir… aux Vieilles Tiges, on tend la main aux jeunes qui vibrent en entendant un avion, qui lisent Buck Danny et attendent avec impatience la prochaine version du film Topgun… (un amiral commandant l’aéronavale m’a dit un jour: je suis de la génération Topgun, c’est en voyant ce film que j’ai voulu être pilote de l’aéronavale…)
Partager avec ceux qui ne le connaissaient pas jusque là, le plaisir subtil d’évoluer dans les trois dimensions, de regarder la planète comme une énorme carte en relief, ou partager la manœuvre avec un copain pilote qui lui aussi, apprécie la mécanique de la routine qui fait que tout s’enchaîne proprement, avec humilité faire ce que l’on doit faire au moment ou il faut le faire.
Plus tard, au débriefing du bar de l’escadrille, on construira la légende de cette ballade, mais une petite voix nous susurrera: « on était bien la haut… »
Je me souviens d’une publicité, il y a longtemps, dans tous les magazines: sur 2 pages, une magnifique photo d’un tableau de bord de voiture en ronce de noyer, et la légende: cette photo est dédiée à tous les petits garçons qui ont dit un jour: »quand je serai grand, j’aurai une Jaguar ».
J’ai envie de parler des Vieilles Tiges à tous les petits garçons qui ont dit un jour: « quand je serai grand, je serai pilote ». Tous, ici, nous l’avons dit. Tous ici ne le sont pas devenus. Mais là ou on doit aller plus loin, c’est que l’on peut dire aux petits garçons, et aux petites filles, -et çà, c’est pas du politiquement correct, c’est la vraie vérité, les filles, vous aussi, vous pouvez-, on peut et on a le devoir de dire : prenez de l’altitude, décortiquez ce qui vous fait vibrer, et vous allez trouver d’autres voies pour faire partie du sérail.
Bernard Chabbert a remis en vogue le terme d’Aviateur. J’aime bien cette idée : une communauté rassemblée autour d’une technique, d’une science, d’une passion…
Dans l’Armée de l’Air, le plus humble des employés aux écritures, des magasiniers, des cuisiniers, s’appelle « Aviateur ». Ben oui, sans tous ces gens, il n’y aurait pas de pilotes.
Alors, chaque fois qu’un avion fait un tour de piste, il y a des employés aux écritures, des soutiers, sans qui cela ne serait pas arrivé.
Si les Vieilles Tiges permettent à un jeune qui rêve d’être pilote de le devenir ou de découvrir une filière qui fera de lui un Aviateur, on aura gagné.
Et en attendant, je revois le visage heureux de ce jeune handicapé que sa maman a amené cet après-midi à l’Aéroclub car il ne parle que d’avions. Ce gamin ne sera jamais pilote, mais pour sa passion, à la faveur de la balade programmée dès que l’aérologie le permet, ce sera un grand bonheur pour moi de le faire entrer dans la famille des Aviateurs.
Hubert Challe