LES FAFL : une histoire héroïque et un héritage exemplaire par le Général Yves Riondet, Président National de Vieilles Tiges.
Le contexte : une Armée de l’Air fraichement émancipée de l’Armée de Terre
Victor Laurent-Eynac, Ministre de l’Air avait déposé dès janvier 1929 un projet de loi prévoyant la mise sur pied d’une aviation autonome et même si son émancipation avait commencé dès 1922 avec la naissance de l’Arme de l’Aéronautique (5e arme de l’Armée de Terre) il faudra attendre le décret de Pierre Cot le 1er avril 1933 pour voir la création d’une Armée de l’Air indépendante ayant pour mission la défense aérienne du territoire et la participation à la bataille aérienne et aux opérations combinées. En fait l’AA ne verra vraiment le jour qu’en juillet 1934 avec la création de commandements opérationnels mais il faut noter que les forces aériennes organiques composées de l’aviation de corps d’armée et d’observation demeureront à la disposition de l’Armée de Terre.
L’armée de l’Air durant la Seconde Guerre mondiale
Au déclenchement de la guerre en septembre 1939, l’Armée de l’Air naissante disposait d’appareils en grande partie périmés en dépit de plusieurs plans de production mais souvent incohérents. De plus, avec une doctrine d’emploi inadaptée et un personnel insuffisamment formé, elle était donc mal préparée pour affronter l’Allemagne. Malgré cette situation elle n’a pas été absente du ciel de France comme le laissait entendre la phrase célèbre de l’époque « Mais où est donc passée notre aviation ? ». En effet, entre mai et juin 1940, en dépit d’une infériorité qualitative et quantitative notoire et d’une logistique défaillante, la « chasse » a revendiqué plus de 950 avions abattus avec cependant la perte d’environ 850 appareils ainsi que plus du tiers du personnel navigant engagé.
Après l’armistice le régime de Vichy maintiendra une force aérienne destinée à la défense aérienne du territoire sous l’autorité de la Luftwaffe mais c’est l’AFN qui regroupait la majeure partie des aéronefs de l’armée de l’air suite aux ordres de repli qui avait été donné le 17 juin 1940 par le Général Vuillemin, commandant des forces aériennes. Suite à l’appel du 18 juin des hommes refusèrent d’accepter la défaite et une poignée d’aviateurs décida de rejoindre de Gaulle en Angleterre pour continuer le combat alors que l’aviation de Vichy participera à des opérations à Gibraltar puis lors du débarquement anglo-américain le 8 novembre 42 au Maroc et en Algérie.
La naissance des FAFL et le général Valin
Après la signature de l’armistice le 22 juin 40 environ 500 jeunes aviateurs, en majorité hommes de troupe et sous officiers, animés du besoin d’agir, réussirent, souvent dans des conditions difficiles, à rejoindre les forces alliées à Gibraltar, en Egypte ou en Angleterre. Avant d’être intégrés dans les squadrons britanniques ils seront entrainés dans les centres de la RAF et 3 escadrilles françaises composées de quelques Potez 23, Morane 406 et Martin 167 seront formées début juillet 1940 au sein de la RAF à Héliopolis en Egypte. Suite à l’appel du Général de Gaulle, les FAFL verront effectivement le jour le 1er juillet avec de maigres effectifs et des aéronefs dépareillés placés provisoirement sous le commandement de l’Amiral Muselier. A noter que le drame de Mers-el-Kébir survenu le 3 juillet a freiné l’engagement de plusieurs militaires aux côtés de la France combattante. Jusqu’à l’été 41 les FAFL sont engagées en ordre dispersé et réparties au gré des combats surtout en Afrique. Toutefois à partir d’avril 41, sous l’impulsion du colonel Valin, les unités vont peu à peu se structurer et l’issue des combats en Syrie et au Liban ayant favorisé le passage des unités sous la direction de la France libre, celles-ci vont donner naissance à 7 groupes autonomes baptisés du nom de provinces martyres. Ces groupes, bien que dépendant du commandement britannique pour l’intendance et la conduite des opérations, affirmeront leur identité et ils symboliseront la poursuite de la lutte pour la liberté aux côtés des alliés.
En Afrique du Nord, le Général Giraud, disposant courant 1942 de forces aériennes réarmées par les Américains, pourra reprendre le combat contre les forces de l’axe en Tunisie et le 1er juillet 1943, les FAFL et les forces aériennes de l’Empire fusionnent sous les ordres du Général Bouscat, Chef d’Etat Major des forces aériennes françaises. Ce dernier, ayant pu reconstituer une armée de l’air indépendante, pourra prendre part aux opérations de maîtrise du ciel et de bombardement lors du débarquement en Normandie puis en Provence.
Je voudrais vous dire quelques mots sur le parcours exceptionnel du Général Martial Valin. Né à Limoges le 14 mai 1898, il est admis à Saint-Cyr -Coëtquidan en avril 1917 puis il est affecté à sa sortie d’école au 3e régiment de chasseurs d’Afrique dans la région de Reims. Fin mai 1918, chargé d’organiser un service d’estafettes devant renseigner le PC de son régiment sur les positions ennemies, il sauvera de l’encerclement 4 compagnies du 43e régiment d’infanterie coloniale en leur transmettant l’ordre de repli. Cette action lui vaut l’attribution de la Croix de guerre. A l’issue du conflit il se rengage pour 8 ans, au sein du 16e régiment de dragons puis des 21e et 22e régiments de spahis marocains avec lesquels il participera à la campagne du Rif.
De retour en France en 1926, il fait acte de volontariat pour l’aviation militaire et obtient respectivement son brevet d’observateur en 1927 puis de pilote en 1928. Il sert alors au 22e régiment d’aviation de bombardement et, promu capitaine en décembre 1929, il sera nommé chef de la 1ère escadrille l’année suivante. En novembre 1933, il est affecté à l’état-major de la 12e brigade aérienne à Chartres puis en 1935 à la section instruction du 3e bureau de l’État-major de l’Armée de l’Air. Nommé commandant en décembre 1936, il prend 2 ans plus tard le commandement du groupe de reconnaissance 1/33 stationné à Nancy. Lors du déclenchement de la guerre, à la tête de son unité il effectue depuis Saint-Dizier des missions de reconnaissance sur le territoire allemand et son groupe se voit attribuer la Croix de guerre avec une citation. Le 13 décembre 1939 il est affecté au 2e bureau de l’état-major de la 1re armée aérienne et en avril 1940 n’ayant pu obtenir le commandement d’une escadre il est affecté à la mission militaire française au Brésil. Nommé lieutenant-colonel à titre temporaire il assiste impuissant la défaite de l’Armée française et en décembre 1940 il informe le général de Gaulle de son intention de le rejoindre à Londres. Après avoir embarqué en février 1941 il arrive en Angleterre fin mars et promu colonel par de Gaulle il devient le chef d’état-major des FAFL. Très vite, il prend une part active dans l’organisation de cette force aérienne naissante en organisant l’accueil et la formation des volontaires venus de France, en faisant notamment ouvrir l’école de Camberley. Il obtient des britanniques la création des premiers groupes aériens autonomes français et c’est ainsi qu’en juillet 1941, les groupes de chasse (Alsace et Île-de-France) et de bombardement (Lorraine et Bretagne) voient le jour. En août 1941 il est nommé général de brigade aérienne et en octobre, devenu Commissaire à l’Air, il siègera au Comité national français de Londres qui définit la politique militaire et civile de la France libre ce qui lui vaut d’être jugé par contumace et condamné à mort par l’État français. Son action ne se limitera d’ailleurs pas aux unités aériennes combattantes car, avec le colonel Lionel de Marmier, il donne naissance aux Lignes aériennes militaires (LAM) pour permettre les liaisons entre les différentes parties de l’Empire rattachées à la France Libre. Il favorise la formation des troupes aéroportées sur le modèle britannique et obtient qu’elle reste sous commandement Air. Il impose aussi l’idée d’envoyer une unité combattre en URSS et le régiment de chasse Normandie sera opérationnel dès le début de 1943. En juillet 1943, lors de la fusion entre les FAFL et l’aviation d’Afrique, le général Valin s’efface devant le général Bouscat, lequel, apprécié des aviateurs de l’Armée d’armistice, devient chef d’état-major des Forces aériennes françaises. Martial Valin, chef d’état-major adjoint, conserve le commandement des forces aériennes stationnées en Grande-Bretagne et est nommé général de division aérienne en mars 1944. Il entre dans Paris aux côtés du général Leclerc et dès septembre 1944, devenu Chef d’état-major général de l’Armée de l’Air, il réorganise nos forces aériennes à la fin des hostilités. Le 25 janvier 1945, il est promu général de corps aérien mais en 1946, après le départ du général de Gaulle, en désaccord avec le gouvernement qui veut réduire à 50 000 hommes le format de l’Armée de l’Air, il acceptera le poste de chef de la délégation militaire française au Comité d’état-major des Nations Unies à Washington. Nommé inspecteur général de l’Armée de l’Air, il revient en France en février 1947. Élevé à la dignité de grand-croix de la Légion d’honneur en juin 1949, il est promu général d’Armée Aérienne en octobre 1950. Très actif à son poste, il intervient dans tous les domaines de la stratégie aéronautique militaire et notamment dans le domaine du développement et de la doctrine d’emploi de l’arme nucléaire. Il quitte son poste d’inspecteur général de l’Armée de l’Air en 1955 mais un décret de juin 1954, le maintiendra sans limite d’âge dans la 1ère section des officiers généraux afin de le récompenser des services rendus durant la Seconde Guerre mondiale et d’honorer à travers lui l’ensemble des FAFL. Après 1957, bien que n’occupant plus de fonctions officielles, il restera membre du Conseil supérieur de l’Air jusqu’en 1968 puis il représentera l’Armée de l’Air en France et à l’étranger, lors de diverses cérémonies officielles jusqu’en 1978. Il décède le 19 septembre 1980, âgé de 82 ans, après une carrière militaire de 62 années dont 52 au service de l’aviation.
Les Groupes de Bombardement (Lorraine et Bretagne)
GB « Lorraine » (Squadron 342)
Après l’armistice le général de Larminat, Haut-commissaire de la France libre pour l’AEF, met sur pied en novembre 1940 le Groupe réservé de bombardement N°1 qui sera commandé par le capitaine Jean Astier de Villatte. Composé de 2 escadrilles basées respectivement à Fort-Lamy et à Maiduguri, le GRB1 assure début 1941 la couverture aérienne lors de la bataille de Koufra avant de prendre l’appellation de Groupe de bombardement no1 en mars et de participer aux opérations en Abyssinie et en Érythrée. Il sera rejoint à Damas par le Groupe de Bombardement no 2 avec lequel il fusionnera pour former en septembre 1941 le GB N°1 Lorraine équipé de bombardiers Blenheim. En novembre et décembre le groupe opèrera aux côtés de la RAF en Libye contre l’Afrikakorps avant de retourner en Syrie où ses 2 escadrilles Metz et Nancy seront basées. Le groupe effectuera ensuite des missions de convoyage et surveillance sur les côtes méditerranéennes avant d’embarquer à Suez en octobre 1942 pour l’Angleterre où il arrive en janvier 1943. Le personnel du groupe est alors envoyé en stage dans diverses écoles d’aviation britanniques et le Lorraine, intégré au sein de la RAF sous l’appellation de Squadron no 342, sera reconstitué début avril 1943 sur la base de West Raynham avec comme 1er chef le LCL Henry de Rancourt de Mimerand. Subordonné à la 137e Wing de la RAF, il réalise des opérations de bombardement sur la France et les Pays-Bas avec ses Douglas Boston 3. Dans ses rangs on trouve Romain Gary et Pierre Mendès France (navigateur bombardier sur Boston). Début octobre 1943, il sera transféré sur la base d’Hartford Bridge et dès le printemps 1944, le groupe se spécialisera dans le bombardement de nuit. En juin 44 il participe au débarquement de Normandie et à la reconquête qui suivra. En octobre, le groupe installé sur l’aérodrome de Vitry-en-Artois poursuit ses bombardements notamment lors de la bataille des Ardennes puis alors équipé de B25 Mitchell il rejoint mi avril 45 les Pays-Bas d’où il effectue sa dernière mission le 2 mai.
Au cours du conflit, le Lorraine a effectué plus de 3000 sorties mais a perdu 127 hommes. Le 28 mai, il reçoit la Croix de la Libération avant de défiler en juin au-dessus des Champs-Élysées.
En décembre 45, le groupe quitte la RAF pour rejoindre début 46 la base de Cambrai sous l’appellation de GB 1/20 « Lorraine » avant de devenir groupe de reconnaissance 1/31 spécialisé dans la chasse de nuit sur de Havilland Mosquito. Basé au Maroc en octobre 1946, il devient Groupe mixte de reconnaissance et de chasse de nuit en octobre 1949 puis il rejoint la base de Tours en 1952 avant d’intégrer en mai 53 la 30e escadre de chasse. Equipée de Vautour IIN en février 61 à Reims elle sera dissoute fin juin 1994. L’EC 3/30 devient alors le 3/33 Lorraine qui, basé alors à Colmar, sera mis en sommeil fin juin 2005 avant de renaitre sur la base d’Al Dhafra aux EAU en 2011. Equipé de Rafale il a rejoint Mont de Marsan depuis 2016.
Groupe « Bretagne »
Le détachement permanent des forces aériennes au Tchad créé avant la guerre est basé à Fort-Lamy et lorsque l’AEF rallie la France libre, il intègre les FAFL. Doté de Potez 25 et 540 il est renforcé par quelques Westland Lysander en provenance d’Angleterre et, alors placé sous les ordres du colonel Leclerc, il effectue des bombardements en février 41 lors de la bataille de Koufra. A l’issue le groupe de bombardement et de reconnaissance effectue des missions de liaisons sur des appareils britanniques obsolètes et le 1er janvier 1942 le Général Valin baptise le groupe 2/20 du nom de « Bretagne ». Il est composé d’une section de liaisons équipée de 3 Potez et de 2 escadrilles : « Rennes » dotée de 6 Lysander basée à Moussoro et « Nantes » stationnée à Fort-Archambault avec 3 Martin 167 Maryland. Dès février 42 le groupe participe à la 1ère campagne du Fezzan (sud Libye) contre les Italiens puis regagne ses bases pour effectuer des reconnaissances lointaines et des bombardements au profit de la colonne Leclerc jusqu’à la victoire en Tunisie en mai 43. Avec des moyens aériens renforcés (8 Lysander pour l’escadrille Rennes ; 3 Glenn et 5 Blenheim pour l’escadrille Nantes) le groupe Bretagne bombarde Sebha (rebaptisé Fort Leclerc), qui devient sa nouvelle base jusqu’au succès de la seconde campagne du Fezzan. Ensuite à partir de 1943, ce groupe de bombardement moyen, toujours sous commandement français, sera équipé de B26 Marauder puis intégré en mai 1944 au sein de la 31e escadre. Il participera aux campagnes de Tunisie et d’Italie pour préparer, depuis Cagliari (Sardaigne) le débarquement de Provence à l’été 1944 avant de participer à la libération de l’Alsace en opérant à partir de Bron puis de Saint-Dizier. Ensuite il effectuera des missions de bombardement sur la ligne Siegfried, sur la Sarre puis sur différents objectifs en Allemagne.
Ses actions durant la seconde guerre valent au « Bretagne » 6 citations à l’ordre de l’Armée Aérienne, la médaille de la Résistance et le port de la fourragère aux couleurs de la Légion d’honneur. Même si cette unité, peut être jugée un peu moins prestigieuse que les groupes Alsace, Lorraine ou Normandie-Niemen, n’a pas été faite Compagnon de la Libération, plusieurs personnalités de cette unité obtiendront cette distinction : Marcel Finance, commandant de l’escadrille Rennes de 42 à 43, Marius Guyot, mécanicien-mitrailleur et 3 commandants du groupe : Pierre Tassin de Saint-Péreuse de 42 à 43, Pierre de Maismont de 43 à 44 et Jean Mahé en 45. Le Bretagne aura aussi l’honneur d’ouvrir le défilé aérien du 18 juin 1945 au dessus de Paris en formation Croix de Lorraine.
Après guerre la 11ème BBM est dissoute et le « Bretagne », transformé sur Looked L-18 puis Toucan (JU 52), participera au retour des prisonniers français en Allemagne et au rapatriement sanitaire des victimes libérées des camps de concentration. En juillet 1947 il devient le Groupe de Transport 1/63 et depuis Thiès il participe à plusieurs campagnes dans divers pays africains, assurant des missions de soutien logistique et de reconnaissance. Par la suite il assurera de nombreuses missions durant la guerre d’Algérie sur JU 52 puis Noratlas avant d’être mis en sommeil en 1963.
L’escadron de bombardement Mirage IV 2/91, créé à Cazaux le 1er décembre 1964, reprend alors les traditions du « Bretagne » jusqu’à sa dissolution le 31 juillet 1996. Le 1er août, les ERV 1/93 « Aunis » et 3/93 « Landes » sont regroupés au sein de l’ERV 93 « Bretagne » qui devient alors la seule unité de l’armée de l’air à mettre en œuvre les ravitailleurs C135 FR. En septembre 2004, l’ERV prend l’appellation de Groupe de Ravitaillement en Vol 0.93 Bretagne puis est rebaptisé en août 2009 GRV 2.91. Fin août 2014 la 31e escadre aérienne de ravitaillement et de transport stratégique créée sur la base aérienne d’Istres, rassemble l’escadron des soutiens techniques spécialisés 15/93 et le GRV 2/91 « Bretagne » lequel réceptionne fin septembre 2018 son 1er A330 « Phénix » et devient l’ERV 4/31 Sologne en octobre 2019. Les traditions du « Bretagne » sont reprises par le nouvel Escadron de ravitaillement en vol et de transport stratégique 1/31 chargé de la mise en œuvre des A 330 MRTT.
Les GC (Alsace, Ile de France et Normandie)
Le GC n°1 Alsace (Squadron 341)
Fin 1940, suite à l’accord passé entre de Gaulle et le ministère de l’Air britannique, quelques pilotes de chasse stationnés en AEF ralliés à la France libres seront dirigés en Egypte pour constituer une escadrille sous uniforme français et l’escadrille française de chasse n°1 (EFC1) sera créée le 9 avril 1941. Dès fin août elle part pour le Liban où elle fusionnera avec les Free French Flight 2 pour former à Rayack le GC Alsace mais son bilan est remarquable puisqu’en quelques mois l’EFC n°1 a remporté 17 victoires aériennes en 165 missions et détruit de nombreux véhicules au sol. Neuf pilotes ont été faits Compagnons de la Libération à titre individuel et pour faire vivre ce patrimoine l’Armée de l’Air a choisi de recréer l’EFC1 en faisant les élèves de 1ère année de l’EA de Salon-de-Provence les dépositaires de la 1ère unité militaire faite le 21 juin 41 Compagnon de la Libération. Le 18 octobre 2019 la promotion fraîchement incorporée a reçu le fanion de l’unité et chacun élève arbore désormais la fourragère de l’Ordre national de la Libération.
Le GC Alsace évolue d’abord sur MS 406, Dewoitine 520 et Potez 25 puis à partir de début 42 il part en Palestine d’où il effectue des missions en Egypte et en Libye sur Hurricane Mk1 (bilan 24 victoires mais 7 pilotes perdus). Après avoir restitué ses avions à la RAF le groupe commandé par le Commandant René Mouchotte débarque en Ecosse en janvier 43 et sera doté de Spitfire Mk5. Les 2 escadrilles (Strasbourg et Mulhouse) effectuent des missions en Normandie et dans le Nord de la France mais Mouchotte disparaît le 27 aout 43 en combat aérien au dessus de Saint Omer. Le commandant Dupérier lui succède à la tête du groupe qui sera le 1er à se poser en France le 13 juin 44. Le groupe s’installe en Belgique en septembre et après un repos en Ecosse début 45 le groupe repart pour la Hollande puis l’Allemagne où il effectuera sa dernière mission le 28 avril 45.
D’aout 46 à septembre 47 il participera à la guerre d’Indochine avant de revenir à Dijon avec ses P-47. De 1949 à 1961 l’unité volera sur Vampire puis Ouragan avant d’être transformée sur M 3C puis sur M3E en 1968 et M2000C en 1986. A l’été 1993 l’escadron « Alsace » quitte la 2e EC pour rejoindre Colmar sur F1CT et sera finalement dissous fin juin 2008.
Le GC n°2 Ile de France (Squadron 340)
Le GC N°2 mixte Air-Marine devient, suite au décret signé le 20 octobre 1941 par de Gaulle, le 1er groupe des FAFL qui opérera à partir de la Grande-Bretagne. Créé début novembre à Turnhouse (Ecosse) sous le commandement du Squadron leader Loft le groupe IDF composé de 2 escadrilles (Paris et Versailles) volera sur Spitfire Mk2 et Mk5. La 1ère mission du Squadron 340 aura lieu le 10 avril 1942 au dessus de Saint Omer mais le capitaine de corvette Philippe de Scitivaux (commandant de l’escadrille Paris) est abattu en vol et fait prisonnier. Le capitaine Dupérier prendra ensuite le commandement du groupe qui en juillet sera transféré dans la banlieue de Londres puis en septembre à Biggin Hill. En décembre le G.C. Île-de-France n’aura plus de membres des forces navales françaises libres et après une brève période de repos il reprend en novembre 1943 les opérations aux côtés du GC Alsace. Le 6 Juin 1944 il participera à la couverture aérienne du D-Day. Pendant le conflit, le G.C Île-de-France a effectué plus de 7000 sorties au cours desquelles il a détruit ou endommagé 75 avions ennemis, largué 400 tonnes de bombes mais en déplorant la perte de 38 pilotes dont coup sur coup deux commandants de l’escadrille Versailles : le capitaine Émile François Fayolle le 19 aout 1942 et son successeur François de Labouchère le 5 septembre 42.
Le groupe IDF sera fait « Compagnon de la Libération » le 28 mai 1945 et le 25 novembre il réintégrera l’Armée de l’Air qui l’affecte d’abord à Friedrichshafen. En mai 1946 le groupe IDF intégré à la 5e Escadre rejoindra la Reghaïa et Bizerte avec ses P63 King Cobra. Dès 1949 il participera à la guerre d’Indochine et en janvier 1951 le groupe équipé de Vampire s’installe à Orange et prend le nom d’Escadron de chasse 2/5 Ile de France. De 1954 à 1966 l’EC 2/5 volera sur Mistral, Mystère 2, Mystère 4 puis Super Mystère B2 puis de 1966 à 1975 sur Mirage 3C et de 1975 à 1989 sur Mirage F1. Au cours de l’année 1989 il réceptionne des Mirage 2000C RDI mais en juin 2022 l’EC 2/5 a été mis en sommeil jusqu’à l’arrivée du Rafale prévue en 2024.
Le GC n° 3 Normandie
Début 1942, Bogomolov (diplomate soviétique auprès du comité national français) annonça que son gouvernement était favorable au projet d’envoyer des aviateurs français combattre sur le front de l’Est. De Gaulle nomme alors le commandant Joseph Pouliquen à la tête du futur groupe de chasse n°3 baptisé Normandie. Constitué sur la base de Rayak (Liban) au cours de l’été 1942, le groupe Normandie rejoint le 2 décembre la base d’Ivanovo à 250 km de Moscou. Sous les ordres du commandant Jean-Louis Tulasne, les pilotes français accomplirent leur 1ère mission de guerre fin février 1943 et en avril, le GC Normandie fut intégré à la 303e division aérienne de chasse soviétique du général Zakharov.
En juin, le groupe fut renforcé par l’arrivée de 8 nouveaux aviateurs, commandés par le capitaine Pouyade, qui prit le commandement de la seconde escadrille – la 1ère étant sous les ordres du capitaine Littolff. A l’occasion de la bataille de Koursk, déclenchée le 12 juillet 1943, le Normandie fut chargé de misions de couverture et d’accompagnement de bombardiers. Le 14 juillet, au cours des 25 missions de guerre exécutées, 3 victoires aériennes furent créditées au commandant Pouyade et aux lieutenants Albert et Castelain mais le sous-lieutenant Jean de Tédesco fut abattu dans la région de Bolkhov. Le 16 juillet, le commandant Tulasne à la tête d’une escadrille de 8 avions pour couvrir l’offensive des troupes terrestres, dut affronter un groupe de 15 bombardiers ennemis couverts par des chasseurs. A l’issue d’un engagement rapide et meurtrier le groupe allemand rebroussa chemin mais trois pilotes français manquèrent à l’appel (Littolff, Castelain et Bernavon). Le lendemain, au cours de la 3e sortie, Tulasne doit attaquer une colonne ennemie faisant mouvement de Bolkhov à Orel avec une escadrille de 9 Yak qui dû affronter des tirs de barrage de la DCA allemande puis un groupe de Focke-Wulf. Suite à un combat aérien très dur Léon, Préziosi et Albert abattirent plusieurs appareils allemands mais le commandant Tulasne, le lieutenant Béguin et l’aspirant Vermeil furent abattus. En 4 jours, le groupe Normandie avait remporté 17 victoires homologuées mais déploré 6 morts. Le Commandant Pouyade fut nommé par le Général Zakarov à la tête du Normandie, avec instruction de ne pas participer au combat sans son autorisation et le 21 juillet 1944, Staline attribua à l’unité le nom de « Niémen » pour sa participation aux batailles du fleuve éponyme. Devenu « régiment » à cette occasion, l’unité recevra de nombreuses distinctions militaires ce qui en fait l’unité française la plus titrée. Fin 1944, les aviateurs du «Normandie-Niemen » furent les premiers français à entrer en Allemagne et début juin 1945, suite à un décret de Staline accordant au Régiment de rentrer en France avec ses avions, les Yak 3 se posèrent au Bourget le 20 juin où ils furent accueillis en héros. Le GC n°3, constitué au début de 14 pilotes et 58 mécaniciens volontaires, effectua en 2 ans ½ 5420 missions et livra 869 combats aériens. Il enregistra 273 victoires confirmées et 36 probables avec la perte de 38 pilotes tués ou portés disparus dont 7 en SAC. Malgré des recherches approfondies certains corps n’ont jamais été retrouvés.
L’Escadron de chasse (EC) 2/30 fut mis en sommeil le 3 juillet 2009 mais la 4e unité de Rafale, mise officiellement en service opérationnel le 25 juin 2012, sur la BA 118 de Mont-de-Marsan a repris les traditions du Normandie-Niemen. Equipé de Rafale F3 omni rôles, l’EC 2/30 « Normandie-Niemen » est un escadron polyvalent et conventionnel dont les missions sont la défense aérienne, l’attaque au sol et la Reconnaissance.
Les Lignes Aériennes militaires
Après l’armistice le gouvernement de Vichy avait obtenu de créer un Service Civil des Liaisons Aériennes (SCLA) en regroupant les moyens d’Air France, d’Air Afrique et d’Air Bleu pour assurer des missions vers le Levant, Djibouti et Madagascar. De Gaulle, conscient de la nécessité de créer un réseau de lignes aériennes autonome pour relier le Moyen Orient et les territoires d’Afrique ralliés à la France libre, confiera au lieutenant colonel Lionel de Marmier la mise sur pied des Lignes Aériennes Militaires (LAM) qui verront le jour au cours de l’été 41 à Damas, une fois la Syrie abandonnée par les forces de Vichy. La 1ère liaison Damas-Le Caire eut lieu le 8 septembre 1941 et en dépit des difficultés liées au manque de matériel et de personnel, le réseau des LAM s’étendra quelques mois plus tard sur environ 6000 km de Damas à Brazzaville pour transporter passagers, vivres et médicaments. Après le débarquement en AFN, Lionel de Marmier sera nommé en 1943 directeur des LAM et il effectuera en octobre, la 1ère mission Damas-Moscou pour établir une liaison avec la mission militaire de Moscou et les pilotes du Régiment de chasse Normandie présents sur le front soviétique.
A partir de mars 1944, les LAM partent d’Alger pour assurer des liaisons régulières entre les territoires du Moyen-Orient, d’AEF et d’AOF. Début 1945, les LAM fusionnent avec les Services civils des liaisons aériennes et sont remplacées par le Réseau des lignes aériennes françaises pour reprendre l’appellation d’Air France courant 1945. Le 26 juin la Cie sera nationalisée.
Conclusion : bilan et enseignements 80 ans après
Les unités FAFL ont été le fer de lance de l’armée du Général de Gaulle malgré ses faibles effectifs (4000 à 4500 h). En effet la participation des aviateurs en Afrique, en Europe occidentale et sur le front de l’Est a eu un impact psychologique important et elle a servi une noble cause politique, savoir poursuivre la lutte pour la liberté de notre pays.
Après la fusion des forces de la France libre et de celles commandées par le général Giraud en AFN, les FAFL auraient du disparaître mais leur épopée s’est achevée à l’armistice après environ 28000 missions de guerre au cours desquelles 343 avions ennemis ont été abattus avec la perte d’environ 60% de ses effectifs. 9 commandants de Groupe perdirent la vie à la tête de leur formation.
119 membres des FAFL de toutes spécialités ainsi que 5 unités ont été fait Compagnons de la Libération. La dissolution de l’Amicale des anciens des FAFL, créée le 25 septembre 1946, a eu lieu le 20 juin 2002 sur la BA 112 de Reims mais on ne peut oublier les actions héroïques de nos anciens qui avaient fait le choix de l’Honneur et de la Liberté dans un contexte dramatique et périlleux.
Quelques noms de héros sont passés à la postérité comme celui de Pierre Clostermann, pilote engagé en 1941 aux côtés de la France Libre qui après une formation de 8 mois à l’Operational Training Unit n° 61 volera sur Spitfire au sein du GC Alsace avant d’intégrer le Squadron 602 en septembre 43. Il sera le 1er as français de la 2ème GM avec 33 victoires aériennes homologuées. Marcel Albert (ancien du GC IDF et Normandie Niémen, 2ème As avec 23 victoires dont 20 sur le front de l’Est), Jean Demozay « Morlaix » (3è as avec 21 victoires, mort dans un accident aérien près de Buc le 19 décembre 45 au retour d’une mission en Angleterre) ou encore Jaques Andrieux (un des premiers à avoir rejoint de Gaulle qui évolua dans plusieurs squadrons britanniques avant de prendre le commandement du GC Alsace en aout 44 suite au décès de Jacques-Henry Schloesing (commandant de l’escadrille Versailles en aout 42 puis du groupe IDF en décembre, victime de graves brulures le 13 février 43 suite à l’abandon de son appareil mitraillé il devra attendre mai 44 pour reprendre le combat au sein du GC Alsace dont il avait pris le commandement quelques jours avant d’être abattu). Parmi les nombreux pilotes morts en SAC on peut citer Henri Bouquillard (1er français tué en combat aérien au dessus de la GB), René Mouchotte (commandant l’escadrille Paris de février à septembre 1942 puis 1er français à commander un EC au sein du Squadron 65), Max Guedj, avocat israélite, qui après avoir effectué plus de 200 missions dans le Costal Command sera abattu au large de la Norvège le 15 juin 45 à la tête de son escadre équipée de Mosquitos, ou encore Maurice Challe, volontaire pour aller combattre au sein du Groupe de chasse « Normandie » qu’il rejoint le 18 mars 1944 mais qui disparaîtra le 27 mars 1945 dans la région de Pillau en Prusse orientale et sera le dernier pilote du « Normandie Niémen » mort en combat aérien. On ne peut non plus oublier le Capitaine Maurice de Seynes qui, le 15 juillet 44 victime d’une panne en vol, refusa d’abandonner son appareil car son mécanicien russe n’avait pas de parachute. Après plusieurs tentatives d’atterrissage l’avion se crashe et les 2 hommes sont tués. Bien d’autres destins tragiques auraient mérité d’être évoqués mais il fallait bien faire un choix par nature arbitraire. On peut d’ailleurs retrouver sur le portail du Ministère des Armées à la rubrique « Mémoire des Hommes » 2770 fiches de personnel ayant appartenu aux FAFL. En résumé on peut dire que, suite aux errements politiques de l’entre-deux-guerres, une partie de l’Armée de l’Air défaite car mal préparée, en refusant la collaboration après l’armistice, a écrit une très belle page de notre histoire aéronautique à Londres aux côtés des Français Libres. En dépassant leurs divergences les aviateurs ont ensuite su se rassembler pour se battre jusqu’à la victoire avec les Alliés auprès desquels ils ont appris la guerre aérienne. Mais durant cette période trouble, les aviateurs ont pris une part souvent méconnue dans la mise en place et le développement de la Résistance française, notamment en se posant sur des terrains de fortune ou en exécutant des parachutages en zones hostiles, mais aussi en participant à tous les volets de la lutte clandestine (renseignements, sabotages, maquis …).
Je laisserai le mot de la fin au capitaine François de Labouchère du GC IDF qui écrivait dans une lettre à sa mère « J’avais deux solutions : soit rentrer en France non occupée et y vivre, heureux probablement, ou me battre et vivre malheureux loin de vous, mais fier. J’ai préféré vivre malheureux et fier qu’heureux et sans fierté ». Le 5 septembre 42 au dessus de la baie de Somme il sera abattu par un groupe de Focke Wulf.